Kinshasa, le 26 mars 2021
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Leurs accoutrements pimpants apparaissent dans une pub pour Guinness et un livre de photographies du regretté Daniele Tamagni, et hommage a été rendu à leur style dans des costumes de Paul Smith sur les podiums de Paris.
Quant à leurs attitudes et à leurs accessoires typiquement congolais, ils ont été transposés – un peu bizarrement – en Afrique du Sud dans une vidéo de la sœur de Beyoncé, Solange Knowles.
Mais chaque année, le 10 février, les Sapeurs de Kinshasa retournent à leurs racines. Pour la date officielle du Jour de la Sape, ils se rassemblent vêtus de leurs plus beaux atours dans un cimetière du quartier de Gombe et y saluent la mémoire de Stervos Niarcos, souvent considéré comme le fondateur officiel de la Sape moderne. Baptisé le « Pape », Niarcos est mort à Paris en 1995.
Le mois dernier, les sapeurs ont posé pour les photographes devant sa tombe avant de parader dans les rues de la capitale jusqu’au quartier de Matonge, où d’innombrables bars en plein air déversent des déluges de sono dans des rues très animées.
« Je respecte la tradition de notre Pape, qui nous a demandé de célébrer son anniversaire en s’habillant comme il faut », témoigne Gael Basaula, natif de Brazzaville arborant une veste pailletée multicolore et des cheveux teints en jaune. Il y a 26 ans que nous venons ici vénérer notre Pape, et c’est le seul moyen d’exprimer notre deuil, toujours chics, soignés, bien habillés et parfumés. »
Un autre Sapeur, Koko Lingwala, portait l’un de ses dix tenues « déposées » en raphia avec inserts de peau de léopard et haut-de-forme en paille. Un nombre grandissant de femmes s’étant joint à ce mouvement traditionnellement masculin, certaines ont participé aux festivités du mois dernier, l’une arborant un blouson de cuir rouge, une autre un ensemble de cuir fauve, et toutes en lunettes noires et chaussures de marques.
La SAPE, Société des ambianceurs et personnes élégantes, est née sous la domination coloniale, lorsque des soldats congolais de retour d’Europe après la Seconde Guerre mondiale ont rapporté avec eux la dernière mode parisienne. Les styles ont évolué avec les années, sous l’impulsion de stars de la musique comme Papa Wemba, qui ont affiché la mode congolaise sur les scènes du monde entier.
Certes, les Sapeurs vivent leur flamboyance d’abord comme un divertissement, mais ils se veulent aussi symboles d’émancipation vis-à-vis de l’héritage colonial et créateurs d’une figure de Noir libéré. À leurs panoplies d’élégance, costumes accessoirisés de chapeaux, chaussures, chaussettes, lunettes, sacs, pipes, cravates, bretelles, cannes, parapluies et autres, ils ont récemment ajouté, à l’occasion de la pandémie, les masques de protection. Ils nous rappellent ainsi que même si elle reste inscrite dans la tradition, la SAPE favorise toujours l’évolution des styles personnels.