Mont Ngafula, Kinshasa, RDC, mai 2020. Outre qu’elle fait obstacle à la lutte contre le coronavirus, l’absence d’électricité est un facteur d’insécurité dans certains quartiers, comme l’avenue Lutendele à Mont Ngafula. Les « Kuluna », des gangs de jeunes armés de machettes, y ont lancé des attaques. © Justin Makangara pour la Fondation Carmignac

L’électricité contre le coronavirus

Kinshasa, le 16 mai 2020
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Le barrage Grand Inga sur le Congo, entre Boma et Kinshasa, se veut le plus grand projet hydroélectrique de la planète, avec deux fois plus de puissance installée que celui des Trois-Gorges en Chine. Si elle est un jour mise en route, la centrale conçue dans les années 1950 pourrait fournir 40% de l’électricité africaine.

Au lieu de quoi, des décennies d’instabilité et d’incurie, ainsi que le faible niveau des investissements requis, ont tellement ralenti les travaux que la RDC a l’un des taux d’électrification les plus bas du monde, un peu plus de 9%, dont 1% dans les campagnes et 19% dans les villes.

Alors que le coronavirus se propage, l’accès à l’électricité, surtout dans des pays à faibles revenus telle la RDC, est la clé de la lutte contre la pandémie qui affecte l’ensemble des économies et des sociétés, comme le souligne la Banque mondiale. Pour les pays en développement qui affrontaient déjà des défis majeurs avant le Covid-19, la pression sera particulièrement douloureuse. Si les hôpitaux et les communautés locales n’ont pas accès à l’électricité, prévient le Forum économique mondial, cela pourrait amplifier le désastre humanitaire et ralentir sensiblement la reprise mondiale.

Mbudi, Kinshasa, RDC, mai 2020. Après avoir rechargé son téléphone contre paiement à une borne communale alimentée par générateur, le jeune David lit sur son écran dans les ténèbres. © Justin Makangara pour la Fondation Carmignac
Mbudi, Kinshasa, RDC, mai 2020. Après avoir rechargé son téléphone contre paiement à une borne communale alimentée par générateur, le jeune David lit sur son écran dans l'obscurité. © Justin Makangara pour la Fondation Carmignac

Quand le confinement a commencé en mars, les autorités congolaises se sont engagées à fournir gratuitement l’eau et l’électricité à leurs concitoyens pendant deux mois. Mais que valent de telles promesses dans un pays de plus de 80 millions d’habitants dont l’opérateur public, la Société nationale d’électricité (SNEL), n’enregistre que 500 000 points de connexion, et où beaucoup de foyers raccordés se retrouvent sans courant ? Malgré ses immenses potentialités, l’infrastructure énergétique de la RDC est en ruine et les pannes de courant sont la règle pendant plus de 75% du temps.

Ces dernières semaines à Kinshasa, l’électricité a manqué pendant des périodes de plusieurs jours. Les gens dépendent des générateurs et du charbon de bois pour la cuisine, occasionnant dans des environnements confinés des problèmes respiratoires qui aggravent les risques sanitaires liés au coronavirus. Quant aux générateurs, qui consomment un carburant coûteux, ils font beaucoup de bruit et dégagent des émanations toxiques.

Kinshasa, RDC, mai 2020. Faute d’électricité, la Kinoise Laeticia repasse son linge avec un fer au charbon de bois © Justin Makangara pour la Fondation Carmignac
Kinshasa, RDC, mai 2020. Faute d’électricité, la Kinoise Laeticia repasse son linge avec un fer au charbon de bois © Justin Makangara pour la Fondation Carmignac
Kinshasa, RDC, mai 2020. Dans le kiosque local alimenté par générateur, des jeunes privés d’électricité à la maison jouent à des jeux vidéo tard dans la nuit. © Justin Makangara pour la Fondation Carmignac
Kinshasa, RDC, mai 2020. Dans le kiosque local alimenté par générateur, des jeunes privés d’électricité à la maison jouent à des jeux vidéo tard dans la nuit. © Justin Makangara pour la Fondation Carmignac

L’absence d’électricité rend la vie extrêmement difficile quand on est obligé de rester chez soi. Nos enfants ne peuvent pas suivre les programmes pédagogiques à la télévision, nous repassons nos vêtements au fer à charbon de bois et, faute de conserver notre nourriture au froid, nous devons nous rendre dans des marchés surpeuplés pour acheter des produits frais et recharger nos téléphones et nos ordinateurs aux bornes de charge communales, qui sont payantes et peuvent endommager les batteries. Pour envoyer les photos de cet article, charger complètement mon ordinateur et disposer d’une connexion Internet digne de ce nom, cela m’a pris cinq jours.

Je sais qu’à l’heure actuelle, beaucoup de personnes dans le monde luttent et souffrent de rester chez elles au milieu des incertitudes, mais imaginez combien ce serait pire sans électricité… C’est pourtant le cas pour près d’un milliard de Terriens. Alors que plusieurs pays africains commencent à alléger le confinement, l’OMS avertit que le continent s’expose davantage à la menace de la pandémie, et beaucoup d’entre nous se demandent avec inquiétude si le pire n’est pas à venir.

Kinshasa, RDC, mai 2020. Les kiosques publics vendent des cartes téléphoniques et disposent de rallonges électriques alimentées par générateur, terminées par des rangées de prises de courant sur lesquelles on peut recharger téléphones et ordinateurs pour l’équivalent de 1 à 2 $. © Justin Makangara pour la Fondation Carmignac
Kinshasa, RDC, mai 2020. Les kiosques publics vendent des cartes téléphoniques et disposent de rallonges électriques alimentées par générateur, terminées par des rangées de prises de courant sur lesquelles on peut recharger téléphones et ordinateurs pour l’équivalent de 1 à 2 $. © Justin Makangara pour la Fondation Carmignac

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