Kinshasa, le 27 août 2020
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Accompagné de l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito rentré avec lui, M. Fayulu est monté dans un 4×4 découvert, portant un masque de protection et une casquette de base-ball et entouré de gardes du corps en costumes sombres. Leur véhicule s’est frayé lentement un chemin au milieu de partisans en liesse, brandissant des drapeaux et arborant des tee-shirts couverts de slogans politiques. Les policiers en tenue anti-émeute, habitués à disperser les pro-Fayulu à coups de matraques et de gaz lacrymogènes, se sont pour une fois abstenus malgré quelques provocations.
Les routes de l’aéroport Ndjili à la ville étaient si encombrées que le convoi a mis cinq heures pour parcourir les sept derniers kilomètres avant d’arriver place Sainte-Thérèse, où le leader de la coalition d’opposition Lamuka (« réveille-toi » en lingala) a tenu un meeting et réclamé des réformes et des élections anticipées.
« Le pays va mal, et rien ne changera tant que les élus choisis par le peuple ne sont pas aux leviers de commande », a-t-il lancé à la foule. « La misère est palpable, notre peuple souffre. »
Selon lui, l’élection de 2018 a été confisquée par le président Félix Tshisekedi aux termes d’un accord passé avec l’ancien dirigeant Joseph Kabila, et le gouvernement est coupable de ne pas avoir réformé la CENI-RDC, la Commission électorale nationale indépendante. Il estime avoir remporté le scrutin avec plus de 60 % des voix, alors que la CENI et la Cour constitutionnelle ont déclaré Felix Tshisekedi vainqueur avec 38,5 % des voix, et lui-même second avec 34 %. M. Fayulu accuse la CENI d’avoir « fabriqué » les résultats et dénonce un « coup d’État électoral » orchestré par l’ex-président Joseph Kabila.
Félix Tshisekedi, qui dirige la coalition gouvernementale avec le soutien des forces politiques de son prédécesseur, fait face à des tensions persistantes consécutives à sa réforme judiciaire et à de récentes nominations à la commission électorale. Au moins trois personnes ont été tuées lors de manifestations de colère populaire à Kinshasa et dans d’autres villes en juillet, pour protester contre la nomination du nouveau président de la commission électorale, qui a également accentué les tensions au sein de la coalition au pouvoir. Faisant fi des restrictions liées à la pandémie, les manifestants — notamment à Goma —conspuaient Ronsard Malonda, accusé par la coalition Lamuka d’être proche de l’ancien président Kabila.
« Je suis venu vous apporter un message d’espoir, pour que le pays sorte de la situation de crise dans laquelle Kabila et Tshisekedi l’ont plongé, a proclamé M. Fayulu. Notre programme aujourd’hui est d’engager des réformes et des élections anticipées. La crise est là, rien ne fonctionne dans cette coalition où chacun veut sa Cour constitutionnelle, chacun veut sa commission électorale dans le seul but de frauder. »
Menaçant le pouvoir de nouvelles manifestations si des réformes n’étaient pas rapidement entreprises, il a lancé un avertissement alarmant : « Si rien n’est fait pour réformer dans les prochaines semaines, nous nous installerons tous dans le palais du Peuple. Ce sera notre maison et nous y resterons. Nous demanderons des contributions à nos frères de la diaspora pour que personne ne manque de nourriture pendant ce sit-in. »
Et il a conclu, faisant référence à la récente éviction du président Ibrahim Boubacar Keïta par l’armée malienne : « Je n’approuve pas ce qui vient de se passer au Mali, mais je dis qu’en certaines circonstances le peuple doit prendre ses responsabilités. »