Le Congo a l’un des taux de travail informel les plus élevés au monde, avec environ 80 % des travailleurs urbains engagés dans l’économie informelle, selon la Banque mondiale (2018). La Confédération syndicale congolaise estime quant à elle que le secteur emploie 97,5 % des actifs du pays.
J’ai pris ces photos au marché de Kituku, sur les rives du lac Kivu, le 2 avril, au lendemain de la confirmation du premier cas de Covid-19 à Goma. Le pays avait fermé ses frontières et déclaré l’état d’urgence la semaine précédente. La capitale Kinshasa était confinée et les autorités sanitaires demandaient à tous les Congolais de respecter la distanciation sociale.
Mais beaucoup de gens ont continué à vaquer à leurs affaires. Ici, la majorité de la population survit avec 2 $ par jour, qu’elle gagne en travaillant. À Kituku, les marchands venus des îles du lac écoulent leurs produits et en achètent d’autres. Les autorités ont certes annoncé la suspension de la taxe de vente au détail de 1 200 CDF (francs congolais, env. 0,60 €) pendant la pandémie, mais les responsables du marché n’ont rien voulu entendre. D’où une énorme dispute et beaucoup de cris et de plaintes chez les marchandes. Finalement, le problème a été résolu et la taxe payée.
Les travailleurs du secteur informel ayant peu d’économies et souvent pas d’électricité pour la réfrigération, ils ne peuvent pas acheter de la nourriture pour plus d’un jour ou deux. Cela crée une demande permanente pour le petit commerce et les marchés.
Aujourd’hui encore, Kituku fonctionne. Les marchands doivent se laver les mains en entrant et sont supposés respecter la distanciation sociale, mais s’écarter d’un mètre les uns les autres au marché est impossible. Le commerce informel inclut le contact direct et l’argent passé de main en main.
En même temps, les travailleurs informels ne disposent d’aucune forme de protection sociale et le système de santé congolais est perclus de problèmes. Un malade peut donc amener la ruine dans une famille. Pourtant, les gens continuent à fréquenter les marchés non parce qu’ils se moquent de leur santé, mais parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement.