Les deux premières photos de la série ont été prises les 27 et 28 avril au soir pendant que Marie, ma petite sœur de 13 ans, étudiait au milieu des coupures de courant. Elle adore les mathématiques et veut devenir une femme d’affaires. En attendant que les écoles rouvrent, elle travaille à la maison, avec ou sans électricité. Là, elle s’éclairait à la torche du mobile de notre mère.
Chez moi, nous sommes neuf : sept enfants et les parents. Normalement, mon père est charpentier et ma mère vend des chaussures sur le marché, mais le confinement a tout arrêté. Pendant un temps, ma mère a vendu des chaussures devant la maison, mais le stock s’est épuisé et les clients ont disparu. Nous devons réduire nos dépenses au minimum. Quand les premiers cas liés au coronavirus ont été confirmées début avril, les gens ont commencé à paniquer. Après l’épidémie d’Ebola dans l’est du Congo, la perspective d’un nouveau virus mortel terrorisait tout le monde.
Trois jours après la confirmation du premier cas de Covid-19, je me suis jointe à un groupe de jeunes animateurs de « Kazia Pale », un programme radio, qui rendaient visite à des populations particulièrement vulnérables pendant le confinement. Nous sommes allés dans le quartier de Katoyi, qui souffre d’un accès difficile à l’eau courante. Nous y avons rencontré quelques veuves auxquelles les activistes ont expliqué l’importance du lavage des mains et, l’eau étant rare, son possible remplacement par du gel désinfectant. Nous avons aussi visité un orphelinat où ils ont longuement insisté sur l’importance de se laver les mains pendant 20 secondes au moins.
Un mois est presque passé et nous attendons la suite. Neuf cas de Covid-19 ont été confirmés dans la province du Nord-Kivu, dont trois à Goma. Tous les malades se sont rétablis. Les autorités nous disent qu’elles attendent pour lever le confinement, mais nous ne savons pas quand il aura lieu et à quoi il ressemblera. Dans ce domaine, nous sommes comme tout le monde : un peu dans l’obscurité.